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6 juin 2012 3 06 /06 /juin /2012 14:17

Ce sera la circonscription des plaintes. Une bonne dizaine sont en cours, dont deux en diffamation, cette semaine, contre Georges Tron. Une tuile n’arrivant jamais seule, cet ancien secrétaire d’État à la Fonction publique a depuis mercredi sa marionnette aux Guignols, en peignoir léopard, façon Strauss-Kahn. "Je vais gagner cette élection les doigts de pieds dans le nez", lance son personnage en latex. La France entière ricane. La France entière? Pas vraiment. À Draveil, sa ville, l’affaire ne fait plus rire grand monde. Même si c’est ici, en forêt de Sénart, que Louis XV rencontra la Pompadour, on se serait bien passé, deux siècles plus tard, de ce fait divers de mauvaise alcôve où le maire et une adjointe sont mis en examen pour "viols et agressions sexuelles en réunion".

Devait-il se représenter aux législatives? "Si je ne l’avais pas fait, cela aurait été un aveu de culpabilité. Or c’est l’inverse!", tonne Tron, "optimiste" tant sur sa réélection que sur les suites judiciaires. "Quand on est passé par là où je suis passé, il n’y a plus rien qui stresse", dit-il.

Un complot ourdi par... à peu près tout le monde

Le coup de tonnerre Tron remonte à mai 2011. Deux anciennes employées de la mairie de Draveil l’accusent de viol en mairie démarré par des séances de massage des pieds. L’élu admet être un adepte de la réflexologie plantaire mais nie tout le reste. Mis en examen en juin 2011, puis confronté le mois dernier à ses accusatrices, le maire se défend bec et ongles. Il vient de distribuer, dans les 50.000 boîtes aux lettres de la circonscription, un "message personnel" dans lequel il entend démasquer un "vaste complot politique". Pêle-mêle, Georges Tron dénonce "l’extrême droite radicale", "trois agents municipaux aux comportements inexcusables" et "leurs alliés politiques", c’est-à-dire à peu près tout le monde.

"Les gens ont enfin compris ce qui s’était passé", se persuade l’élu de Draveil. Pas tout à fait tous. En retour de son "message personnel", Tron écope de deux plaintes en diffamation déposées jeudi et vendredi, l’une de la candidate du MoDem Daphné Ract-Madoux, l’autre du candidat divers droite François-Joseph Roux, son ancien directeur de cabinet, avec lequel il est aujourd’hui brouillé. Compte tenu de l’urgence électorale, les deux plaintes devraient être jugées en référé dès mardi devant le tribunal d’Évry.

"On ne peut pas laisser Tron dire n’importe quoi", confie Roux. Même son de cloche chez la candidate du MoDem, elle aussi tourneboulée par les accusations : "Je suis d’une famille de militaires et de magistrats, j’ai toujours été centriste! Moi, faire partie d’un complot du Front national! C’est délirant!", peste-t-elle, s’apprêtant à demander réparation, c’est-à-dire la diffusion d’un courrier rectificatif. "Plus il y aura de procès, mieux je me porterai, et je balancerai tout sur ce qui s’est passé", réagit Tron. Ambiance électrique assurée au tribunal, et grand déballage en perspective.

L’affaire lasse à Draveil

Dans cette ville de banlieue cossue en bord de Seine règne une sorte de ras-le-bol général, mélange de gêne… et de honte un peu confuse. "On en a assez de voir M. Tron gémir à la télévision, se plaindre de ces complots imaginaires, ne parler que de lui et jamais des problèmes réels des gens d’ici", résume Philippe Brun, un militant UMP de Draveil, candidat dissident de droite. Autre mauvais signe, les élus de Montgeron et de Vigneux, les deux communes voisines, ont tous demandé à Tron de démissionner de ses fonctions de président de la communauté d’agglomération. "Votre situation personnelle est pesante… Elle influence dorénavant vos décisions", lui écrit Gérald Hérault, le maire PS de Montgeron. C’est dire si l’avenir politique du patron de l’UMP de l’Essonne est sous la menace de son score aux législatives.

Ils sont 13 en lice à vouloir son fauteuil, gagné en 1993. "Tron aura du mal", pensent-ils. Thierry Mandon, maire de Ris-Orangis et candidat du PS, fait donc figure de favori et refuse de souffler sur les braises. "Je ne suis pas juge, je ne suis pas procureur, je ne suis pas juré d’assises…", répète-t-il. Ici, circonscription de droite depuis toujours, François Hollande a obtenu 53 % au second tour, mieux que son score national. "On va voir jusqu’où ira le rejet du député sortant", pronostique la candidate du MoDem, persuadée qu’elle peut même créer la surprise et arriver en tête, "même si c’est tendu", confie-t-elle. La semaine dernière, ses colleurs d’affiches ont été pris à partie par des militants UMP. Les frictions se sont soldées par le dépôt d’une plainte. Encore une.

Des plaintes en cascade

Autre point commun des opposants à Tron, ils ne croient pas vraiment à sa thèse du complot téléguidé par le FN. Lui prétend que les deux plaignantes initiales ont été prises en main par les "frères Olivier", Philippe et Jacques, parents de Marine Le Pen, habitants de la circonscription et opposants politiques de toujours. "Mais déjà en 2008, dans un courrier adressé à François Bayrou, M. Tron se disait victime d’un complot du FN, raconte Daphné Ract-Madoux. C’est une manie, chez lui."

Et puis, au-delà des deux

accusatrices initiales, une dizaine de femmes se sont dites victimes, devant la police, d’agressions ou de harcèlement sexuel. "Elles sont toutes connectées entre elles", se défend le présumé innocent. Ce n’est pas le cas de Marion*, attachée parlementaire de Georges Tron depuis 2006. Cette dernière, aujourd’hui en dépression, peut difficilement être accusée de faire partie du complot initial : en juin dernier, elle a été placée en garde à vue pour avoir tenté de faire pression sur l’une des accusatrices! "Georges Tron m’avait demandé d’aller la voir et de lui dire qu’on avait un dossier contre elle… Je l’ai fait et je le regrette amèrement aujourd’hui", confie-t-elle au JDD.

Tourmentée pendant l’été 2011, Marion a finalement décidé d’aller revoir les policiers. "Lors de ma première garde à vue, je n’avais rien dit, mais ensuite j’ai raconté tout ce que je savais", certifie-t-elle. "C’était une de mes proches. Elle a été retournée et m’a trahi, mais j’ai déposé plainte contre elle moi aussi, réplique Georges Tron, la première pour vol de fichier, la deuxième je ne peux rien en dire encore… Mais ses ennuis sont devant elle, je vous le certifie." Du pur Tron dans le texte. Toujours la même défense. Et un aplomb d’acier. La justice finira bien par trancher…

* Le prénom a été changé à sa demande.

Laurent Valdiguié - Le Journal du Dimanche

samedi 26 mai 2012

 

Tron

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Published by SIPM - EUROCOP - dans Politique